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Publications Catherine Schneider

ARTICLES

Schneider, C. (2015). Le pouvoir de la joie et de l'émerveillement. La lettre du musicien

TRAVAUX UNIVERSITAIRES

Schneider, C. (2014). Enseigner le piano en conservatoire : un long chemin vers la liberté. mémoire de Licence. Université Paris Descartes

Schneider, C. (2016). L’improvisation dite « libre » dans un contexte pédagogique avec de jeunes élèves en regard de la créativité, l’expérience d’écoute et la qualité de présence. Mémoire de recherche. Master 2. Université Montpellier 3.

Schneider, C. (2017). Analyse d’une création personnelle pour et avec piano préparé et augmenté, avec transformation et spatialisation du son en temps réel : conception, élaboration, écriture, performance. Mémoire de recherche-création. Master 2. Université Paris 8.

LE POUVOIR DE LA JOIE ET DE L'EMERVEILLEMENT

Dans la pratique musicale

Au fil des années, je m'aperçois à quel point nos valeurs et croyances influencent notre pratique musicale. Ces valeurs et croyances sont parfois conscientes, parfois inconscientes, parfois choisies, parfois subies. Ce qui m'apparaît, c'est que nous sommes bien plus capables que ce que nous croyons. Mais parfois, le chemin que nous empruntons n'est pas bien adapté. Il faut tout d’abord avoir le courage de s’arrêter pour observer, puis le courage de modifier, réajuster sa manière d’appréhender son approche musicale. Ce peut être joyeux et effrayant tout à la fois car nous avançons en terrain inconnu.
Ce qui est sûr, c'est que la répétition en elle-même n'a pas le pouvoir qu'on lui accorde : répéter ne permet pas forcément d’intégrer ou d'acquérir du nouveau, tout dépend de la manière dont on répète, notre qualité de présence et notre disponibilité. Plusieurs croyances nous conditionnent et influencent notre comportement :

 

  • « Je n'y arrive pas parce que je ne suis pas assez doué ». Le même raisonnement peut se faire avec : « je suis trop vieux, malade, trop fainéant, pas assez appliqué ». Dans ce cas, c'est sa propre incompétence et/ou insuffisance que l'on met cause. Il faut donc recommencer encore et encore car une partie de nous pense que nous ne méritons pas ou ne pouvons pas y arriver.

 

  • « Je veux y arriver ! Je ne cèderai pas » Ici, c'est la volonté qui prend la main, mais elle ne sait pas toujours très bien comment faire autrement que répéter et répéter encore.

  • « Il faut souffrir pour y arriver, rien n’est facile dans la vie » Il est donc inévitable de s'épuiser à la tâche avant d'espérer y arriver.


De nombreuses autres pensées ou croyances sont possibles. Il peut être amusant de s'observer soi-même afin de découvrir les injonctions qui nous guident. Beaucoup de progrès sont liés à cette ouverture de conscience. C'est pourquoi, il est parfois si difficile de mettre en pratique certains conseils pédagogiques, car ils heurtent trop nos convictions profondes ou nos croyances inconscientes. Il faut alors du courage pour essayer de faire autrement, beaucoup de confiance en son professeur, ou être totalement désemparé et n'avoir plus rien à perdre.

Ce qui rend les choses difficiles, c'est qu'avant d'avoir essayé, on ne peut pas savoir si une approche sera efficace ou non et quels en seront les bénéfices. Il est donc normal d'être méfiant. Et puis il y a tellement de conseils, parfois si différents voire opposés, alors comment savoir, comment choisir ?

Il suffit d’écouter les nombreuses interprétations d’une même œuvre ou de feuilleter différentes méthodes pédagogiques pour comprendre qu’un consensus universel n’existe pas. Faire de la musique revient à choisir : choisir son style, sa filiation, sa sonorité, sa posture, sa technique, ses références, son interprétation etc. ….
Choisir, c’est se poser des questions. Ce peut être désagréable mais c’est un premier pas vers plus de clarté. Les progrès demandent de la clarté.

 

Dans l'enseignement de la musique

Pour moi, enseigner la musique revient à choisir sa contribution au monde : quelles sont les valeurs que je souhaite partager, véhiculer, transmettre ? Quelles sont les valeurs auxquelles je crois ? Ai-je conscience des conséquences de mes choix, de mes actes ? Personnellement c’est ainsi que je raisonne dans ma démarche enseignante : en quoi puis-je contribuer au monde auquel j’aspire, comment puis-je incarner les valeurs auxquelles je tiens ?

Quand j’étais étudiante, je me posais toujours la même question : réussir un examen, oui, mais à quel prix ? Je refusais le bachotage. Un examen ne peut pas se résumer aux seuls résultats, c’est aussi un moment de vie. C’était la même raison qui me faisait haïr les bons-points et les récompenses à l’école : quoi, me réduire à ce fichu bout de papier ? Croire que j’apprends mes leçons pour faire plaisir à mon prof ? J’étais outrée. J’avais besoin que les choses aient un sens. J’apprenais avec tout mon être, je refusais de n’être qu’un élève.

Aujourd’hui, quand j’enseigne, je pense à la légende amérindienne du petit colibri : un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri de répondre : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Aujourd’hui, ma part, c’est de rappeler le pouvoir de la joie et de l’émerveillement. Tous deux font des merveilles voire des miracles. Je l’ai découvert à 15 ans, quad j’ai commencé à jouer des morceaux en cachette de mon professeur, des morceaux faciles, mais des morceaux que j’avais choisi, parce qu’ils me plaisaient et que j’étais heureuse de les jouer. Cela peut sembler dérisoire mais jusqu’alors personne ne s’était intéressé de savoir ce que je ressentais ou pensais. Je devais faire ce que l’on me demandait, un point c’est tout. On avait tout simplement oublié qu’un enfant pense, ressent, perçoit, croit, s’émeut …et qu’il peut dire oui avec la tête et non avec le cœur.

La difficulté, c’est que parfois, le raisonnable est tellement ancré en nous, qu’on ne sait plus du tout ce que notre cœur ressent, il est recouvert par tant de paroles, conseils, ordres, injonctions ... Il est parfois nécessaire de s’arrêter pour l’écouter. De prendre le temps de le rassurer. Car nos joies ont été si souvent méprisées ou moquées que nous avons perdu l’habitude de les laisser jaillir. C’est toute la difficulté dans l’enseignement : l’équilibre entre accueillir, canaliser, conseiller, rassurer, suggérer, susciter, stimuler …

Cela me fait penser à la fable du casseur de cailloux attribuée à Charles Péguy :
En pèlerinage à Chartres, Charles Péguy voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui et lui demande :
« Que faites-vous, Monsieur ? »
« Vous voyez bien, je casse des cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Je fais un sous métier, je suis un sous homme ».
Il continue et voit un peu plus loin un autre homme qui casse les cailloux, lui n’a pas l’air mal.
« Monsieur qu’est-ce que vous faites ? »
« Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui-là ».
Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui lui est souriant et radieux :
« Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale."

Et cela change tout !
Qu’avons-nous dans la tête quand nous cassons des cailloux ?
Qu’avons-nous dans le cœur quand nous enseignons ?
Pouvons-nous choisir d’être des bâtisseurs de cathédrales ?
Et la musique, peut-elle nous mener à notre cathédrale intérieure ?

Catherine Schneider

Piano et transcendance : l’apprentissage des morceaux

 

 

Il ne suffit pas de savoir quelles notes jouer pour obtenir un jeu fluide. Si la pensée est dissociée de la réalisation pianistique, le jeu risque d’être lent, saccadé, hésitant. Les étapes fractionnées ralentissent le jeu : je lis, je joue ce que j’ai lu, je vérifie ce que je viens de jouer.

 

La manière de lire et concevoir la partition doit intégrer la réalisation par le corps sur le clavier. On lit littéralement avec son corps, selon la configuration spécifique du piano. Chaque instrumentiste appréhende sa partition en fonction de l’ergonomie et des modalités spécifiques de son instrument. Toute connaissance véritable est incarnée.

 

Un bon pianiste n’est pas celui qui saurait tout jouer sur simple demande. Car un pianiste véritable n’est pas un chien savant. Il ne s’agit pas de dressage mais de cheminement : vivre, expérimenter, goûter, le cœur, le corps et l’esprit en éveil.

 

Le plus important est de savourer le processus et d’entretenir un rapport complice avec soi-même. Ainsi, au lieu de s’agacer, se désespérer de ses erreurs ou difficultés, parce que celles-ci nous éloigneraient du morceau « fini », je propose une autre conception : savourer le chemin et le vivre pleinement. L’apprentissage se fait au cours de ce processus, les erreurs, les faiblesses sont nos alliées, ce sont elles qui nous indiquent le chemin, elles nous guident sur la voie d’un jeu vivant, pleinement habité.

 

Le piano, ainsi vécu, permet de s’épanouir, se révéler, et toucher à la dimension de l’Art. Vivre l’apprentissage comme une corvée dont la libération serait le morceau « fini », est le meilleur moyen de déprimer et se déprécier. Car un morceau n’est jamais fini. Jouer du piano est un processus vivant, une expérience sans cesse renouvelée, qui demande notre présence pleine et entière.

 

Le piano est un Art. C’est un chemin qui nous ramène à nous-même. Ce n’est pas un divertissement. C’est beaucoup plus que cela.

Jouer du piano nous engage et nous touche au plus profond de notre être.

Catherine Schneider

De la méthodologie à la réalisation de soi

 

             Très souvent, j’entends dire « j’irai prendre en cours quand mes morceaux seront prêts ». C’est effectivement une habitude dans le domaine de l’enseignement musical, il est souvent admis qu’il ne faut pas faire « perdre » son temps au professeur en lui apportant un travail à moitié fini. Mais dans ce cas, à quoi sert le professeur ? A indiquer quelques nuances comme touche finale ? A s’intéresser à l’interprétation, au style, une fois que tout le texte est monté ? C’est souvent trop tard pour effectuer les modifications nécessaires. En effet, le choix des doigtés est lié aux nuances, tempo, style, sonorité. La méthodologie d’apprentissage, quant à elle, est liée au caractère expressif et stylistique du morceau : on ne travaille pas de la même manière une sonate de Mozart, une fugue de Bach, un nocturne de Chopin ou une chanson populaire. En outre, selon l’objectif (concert, examen, morceau pour le plaisir), le travail ne sera pas le même, car il n’y a pas UNE manière de jouer du piano ou appréhender un morceau, mais DES manières.

 

             Ce que je propose, c’est d’explorer avec vous, pendant les cours, le « comment faire », c’est-à-dire la méthodologie. Non pas selon des recettes à appliquer, mais un cheminement individualisé, en lien avec votre projet musical personnel et vos objectifs. En général, nous sommes capables de faire beaucoup mieux et plus que ce que nous pensons. Il s’agit souvent d’oser emprunter des chemins différents de ceux auxquels on est habitué. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu, au XIXème siècle, une fracture entre les pédagogues et les compositeurs, ce qui a contribué à l’instauration de normes éducatives déconnectées du vivant et de la réalité du travail des grands interprètes, qui la plupart du temps, n’aiment pas, ou ne savent pas enseigner ce qu’ils appliquent eux-mêmes. Il est beaucoup plus difficile de contribuer à l’amélioration de la qualité de présence d’un pianiste qu’au respect de critères tels que le tempo, le rythme, les notes etc... Mais personne ne s’y trompe : jouer le texte ne suffit pas. Ce qui se partage est au-delà, un pianiste n’est pas un « élève » même s’il est amateur, c’est un « artiste » au plein sens du terme, c’est-à-dire, avec une dimension artistique, quel que soit son niveau et les maladresses éventuelles.

            Dans le cadre des cours et stages, je vous encourage donc à venir dès le début du travail sur un nouveau morceau. C’est aussi une manière de sortir d’une conception du cours comme « examen implicite », le professeur vérifiant si l’élève a bien fait ce qui lui a été demandé. L’expressivité d’un pianiste, quel que soit son niveau, est lié à une authenticité puisée de l’intérieur, où il s’agit d’oser écouter en soi un appel souvent diffus et vague, mais qui serait de l’ordre de l’intuition ou l’inspiration. Par contre, écouter son intuition, est une discipline qui se pratique, se développe, car suivre ce qui nous vient a priori n’est souvent pas de cet ordre, mais plutôt d’un fonctionnement auquel on est habitué depuis son enfance, une sorte d’automatisme de pensée.

            Ainsi, s’engager sur la voie d’un piano sensible, signifie apprendre à descendre en soi, soigner sa qualité d’écoute, prendre conscience du cheminement de sa pensée, et au final, contribuer à la création de soi. C’est ce travail que je vous propose. Il n’y a rien d’ésotérique. C’est une manière de pratiquer le piano selon une triple dimension : existentielle, musicale et cognitive. C’est une invitation à un type de formation qui prend en compte l’être dans sa globalité, corps, cœur, esprit, et qui contribue à la réalisation de soi.

 

Catherine Schneider

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